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« Ça donne envie d’aller dans le numérique » : de potentielles bénéficiaires donnent leur avis sur TechPourToutes

15 novembre 2023

Femme ordinateur

À l’issue des groupes de travail menés à la rentrée 2023 et de la construction collective de la frise chronologique des actions du programme, la Fondation Inria a souhaité aller à la rencontre de lycéennes, étudiantes et jeunes professionnelles de la tech pour leur présenter le programme TechPourToutes. L’objectif ? Recueillir leur opinion sur le dispositif et améliorer la pertinence et l’impact du programme auprès de la communauté ciblée. La fondation livre ici les conclusions de l’enquête qualitative qu’elle a menée à la Toussaint 2023 auprès de 49 jeunes femmes.

Une enquête qualitative pour tester le programme TechPourToutes

Après avoir mené un travail intense de coconstruction du programme TechPourToutes à la rentrée 2023 à travers 5 groupes de travail regroupant l’écosystème d’acteurs engagés en faveur de la féminisation des métiers du numérique, la Fondation Inria a souhaité aller à la rencontre de jeunes femmes éligibles au programme pour recueillir leur opinion sur le dispositif et en améliorer la pertinence. Elle a mené pour cela cinq focus groups auprès de lycéennes, d’étudiantes inscrites dans des formations diplômantes du numérique et de jeunes professionnelles de la tech fraîchement diplômées. 

Organisés entre fin octobre et mi-novembre 2023, ces groupes de discussion se sont tenus en distanciel ou à Paris dans les locaux du centre de recherche parisien d’Inria. Ils ont regroupé au total 49 jeunes femmes originaires de toute la France, aux profils et aux parcours variés, recrutées en ligne et avec le concours actif des partenaires fondateurs du programme et des participants aux groupes de travail.

D’une durée de 2 heures, chaque groupe de discussion a été mené selon deux phases : une première consacrée aux rapports qu’entretiennent les jeunes femmes avec le numérique et une seconde consacrée à leur perception du programme TechPourToutes. L’ensemble des échanges ont fait l’objet d’une retranscription anonymisée, passée au filtre de l’analyse thématique de contenu, afin de repérer les sujets de consensus, les éventuelles lignes de désaccord, mais aussi les thématiques mineures ou marginales mais signifiantes.

Ensemble, Fondation Inria et sondées ont exploré les aspirations et expériences de chacune, revenant sur les aspects qui leur semblent essentiels pour une intégration et une réussite tant académique que professionnelle dans le secteur du numérique. Une véritable ouverture à de nouvelles perspectives pour la fondation et le programme TechPourToutes grâce à des dialogues stimulants et enrichissants.

chiffres clés des focus groups

Études dans le numérique : un parcours de combattantes ?

Si je vous dis « numérique », à quoi pensez-vous ? Et si je vous parle des femmes dans le numérique, cela vous évoque quoi ? Que signifie pour vous : être une femme épanouie dans le numérique ? Tels sont les thèmes qui ont été abordés lors de la première phase d’entretien à travers des jeux projectifs et des associations de mots.

Qu’en ressort-il ? Les interviewées associent d’abord le numérique à un savoir de spécialiste et à des compétences de pointe. Les évolutions permanentes, les progrès technologiques rapides façonnent les perceptions : le numérique, majoritairement, renvoie au futur, aux transformations, à l’innovation. Les impacts sociaux, environnementaux ou éthiques du numérique quant à eux, ne sont pas oubliés. Quoiqu’apparaissant au second plan. Il s’agit de constats non discutables, corollaires potentiellement négatifs d’un progrès qu’on ne remet pas davantage en cause. Plus largement, c’est une vision paradoxale et même binaire du numérique que les participantes projettent, avec des paires de mots telles que construire/déconstruire, Internet/vie réelle, danger/sécurité, coopération/individualisme, femmes/hommes. Dans ce monde binaire, l’accès au numérique est vu comme une source de pouvoir, creusant davantage le fossé des inégalités. Un tel pouvoir, soulignent les participantes, engage et implique d’immenses responsabilités.

Et la place des femmes dans tout cela ? Ce sont les notions de « minorité », de « manque » et de « sous-représentation » qui sont, avant toutes choses, mises en avant lorsque le couple femmes/numérique est évoqué. Ainsi, le numérique et les femmes, c’est d’abord une histoire d’absence. Une absence qui, malgré les progrès récents, risque de perdurer longtemps si elle n’est pas activement combattue. Les perceptions associées au couple femmes et numérique sont, ici aussi, teintées d’ambivalence. Si des aspects très positifs, tels que la sororité et le soutien, sont évoqués, l’étrangeté (le fait de ne pas se sentir à sa place), le sentiment d’infériorité, le fait d’être rabaissée ou encore le harcèlement sont vite mentionnés, rejoignant pour certaines un vécu difficile de leur parcours.

Des comportements dégradants, des comportements sexistes, des allégations, bien sûr, qui allaient parfois jusqu’à la démission de certaines camarades ou collègues.

Clarisse (le prénom a été modifié)

développeuse fullstack

Si les vécus diffèrent fortement d’une personne à l’autre, certaines estimant à l’inverse « avoir eu de la chance », ces ressentis divergents semblent trouver leur cause première dans le milieu dans lequel chacune évolue : certains environnements sont décrits comme inclusifs et promouvant la parité, d’autres beaucoup moins. Il reste que l’écosystème numérique est structurellement défavorable aux femmes et que les participantes sont nombreuses à avoir développé des stratégies d’adaptation diverses, voire des mécanismes de survie, du travail sur leur voix pour s’affirmer dans les réunions au retrait pur et simple du secteur du numérique.

TechPourToutes : un programme complet et nécessaire pour faire face aux étapes charnières de la scolarité et des études

La seconde phase des focus groups s’est concentrée sur la présentation du programme et sa perception par les participantes. Et les retours spontanés sont enthousiastes ! Si quelques interrogations sont soulevées, soulignant l’importance de l’adaptabilité du programme face aux attentes propres de chacune, les jeunes femmes ont salué l’exhaustivité du dispositif et l’approche « à 360° » de l’accompagnement proposé.

J’aurais aimé avoir ce programme pour m’accompagner dans mes études. De pouvoir me dire que je suis soutenue, que je ne suis pas seule, que je sais où je vais et avec qui j’avance.

Jade (le prénom a été modifié)

étudiante en ingénierie informatique

L’inclusivité du programme est très appréciée ainsi que l’intérêt de garantir à toutes un appui à long terme et aux meilleures conditions. En particulier, fournir un accompagnement renforcé pour prévenir le décrochage à tout moment du parcours est jugé primordial, de même que l’aide à la réorientation vers le numérique en cours d’études, perçue comme une véritable chance tant le secteur est vaste et les métiers divers. L’ancrage du programme au lycée, dès la seconde, a également été particulièrement apprécié. Plusieurs voix se sont même exprimées en faveur de la mise en place d’ateliers d’empowerment et d’aide à la confiance en soi dès le lycée.

Plus largement, la variété des actions proposées est perçue comme étant de nature à répondre aux différents freins pesant sur le parcours, au-delà des seules difficultés financières. Par exemple, les cycles d’ateliers proposés sont jugés très pertinents, en particulier ceux qui permettent le développement de compétences non incluses dans les cursus universitaires, telle que la négociation salariale. Un sujet d’autant plus important que l’écart de rémunération entre hommes et femmes reste un problème majeur. Certaines participantes ont néanmoins noté un manque concernant les opportunités de mobilité à l’international via des stages ou des semestres à l’étranger, un appui incontournable pour que les jeunes puissent élargir leurs horizons et renforcer leurs compétences.

Enfin, le soutien financier a été discuté, en particulier par les lycéennes et l’un des groupes d’étudiantes. En effet, si des bourses publiques ou privées sont proposées aujourd’hui, plusieurs des jeunes femmes interrogées ont indiqué ne pas satisfaire les critères d’éligibilité malgré les difficultés qu’elles éprouvent à financer leurs études. Une étudiante bénéficiaire d’une bourse au mérite souligne notamment qu’il est souvent plus difficile pour une famille de consacrer des ressources à l’éducation de ses filles qu’à celle de ses garçons.

Cela donne envie de se lancer dans le numérique car, si je peux être aidée financièrement, je n’aurai plus le remords de prendre les économies de toute ma famille pour poursuivre un rêve qui, au final, pourrait être remplacé par quelque chose de moins cher.

Eve (le prénom a été modifié)

élève en terminale

Pour conclure ? Ces rencontres ont été une source d’apprentissage inestimable pour l’équipe TechPourToutes. Les retours, idées et suggestions recueillis seront essentiels pour affiner ce programme ambitieux et veiller à ce qu’il réponde au mieux aux besoins spécifiques de ses futures bénéficiaires. Toute l’équipe remercie chaleureusement les participantes pour leur précieuse contribution.